Palestine : Mandats d'arrêts demandés par le Procureur de la CPI – la FIDH salue une décision historique
Personne n’est au-dessus des lois. Paris, le 20 mai 2024 – La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) salue la demande du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Karim Khan de délivrer des mandats d’arrêt à l’encontre des dirigeants israéliens et du Hamas. Le Premier ministre Benyamin Nehtanyahou et le ministre de la…
Il appartient maintenant aux juges de la CPI de décider s’il convient de délivrer ces cinq mandats d’arrêt dans ce qui pourrait être l’une des affaires pénales internationales les plus importantes de ce siècle. En demandant ces mandats d’arrêt, le procureur de la seule Cour pénale internationale permanente existante réaffirme que personne n’est au-dessus des lois, en particulier du droit de la guerre, qui est conçu pour protéger les civils.
« La CPI est une cour indépendante. Les pressions politiques des puissants, qui desservent toujours les victimes, les menaces et les logiques de justice à deux vitesses n’y ont pas leur place », déclare Danya Chaikel, représentante de la FIDH auprès de la CPI. « C’est la première fois qu’un tribunal international s’attaque à un dirigeant soutenu par les nations occidentales les plus puissantes au monde. C’est un changement crucial puisqu’il n’est plus question du deux poids deux mesures qui prévaut depuis longtemps dans la justice internationale ».
La FIDH reconnaît l’ampleur de ce développement historique, non seulement pour les innombrables victimes qui, depuis des décennies, réclament à la fois justice et le respect de leur droit fondamental à la survie, mais aussi pour l’État de droit à l’échelle mondiale. La FIDH salue les efforts de la CPI pour collaborer avec toutes les parties prenantes, y compris les autorités nationales et la société civile, afin de faire avancer ces enquêtes et ces poursuites.
« La FIDH appelle d’urgence les Etats signataires de la CPI à coopérer pleinement avec la Cour afin de s’assurer que les auteurs de crimes soient confrontés à la justice, indépendamment de leur position ou de leur affiliation », déclare Alexis Deswaef, vice-président de la FIDH. « Nous demandons aux Etats membres de soutenir publiquement les demandes de mandats d’arrêt, comme ils l’ont fait pour le mandat émis à l’encontre de Vladmir Poutine, et de procéder aux arrestations, si elles sont prononcées ».
La FIDH et ses organisations membres palestiniennes et israéliennes travaillent depuis plusieurs décennies sur les violations des droits humains en Palestine et en Israël. Ce contexte de violations systématiques et historiques doit être pris en compte par la CPI dans le cadre de ses enquêtes et de ses poursuites. Les crimes commis avant le 7 octobre 2023 relèvent de la compétence de la Cour : tous les crimes commis dans le Territoire palestinien occupé depuis que la situation en Palestine a été déférée au Procureur, en 2014, les assauts d’Israël sur Gaza en 2014 et 2021, ainsi que les meurtres durant la Grande Marche du retour de 2018, manifestation organisée pour commémorer la Nakba, l’exode palestinien de 1948 lors de la première guerre israélo-arabe. En outre, la FIDH demande à la CPI d’enquêter sur les récentes allégations de génocide à l’encontre de responsables israéliens, formulées par la FIDH (voir la résolution) et par d’innombrables autres acteurs, désormais renforcées par les procédures engagées devant la Cour internationale de justice. La demande du Procureur de la CPI a été étayée par un groupe externe d’expert⋅es en droit international – comprenant l’ancien juge de la CPI, Sir Adrian Fulford, le juge Theodor Meron, la baronne Helena Kennedy et Amal Clooney – convoqué pour établir si les demandes de mandats d’arrêt répondaient aux exigences du Statut de Rome (traité à l’origine de la CPI)
Dans son rapport l’évaluation, ce groupe a approuvé à l’unanimité l’existence « de motifs raisonnables de croire que la Cour est compétente pour connaître des crimes visés dans les demandes de mandats d’arrêt, que ces crimes ont été commis et que les suspects en sont responsables ». Il appartient maintenant aux juges de la CPI de déterminer s’il existe effectivement des « motifs raisonnables de croire » que les cinq suspects visés par la requête du procureur ont commis des crimes relevant de la compétence de la Cour, après avoir évalué la crédibilité et la pertinence des éléments de preuve.
La demande du procureur de la CPI de délivrer des mandats d’arrêt à l’encontre de dirigeants des deux parties au conflit israélo-palestinien montre une volonté d’appliquer le droit international de façon impartiale et complète. À ce stade précoce de la procédure, cette approche sans précédent renforce la crédibilité du Bureau du Procureur car elle démontre son engagement à tenir pour responsables des violations présumées toutes les parties, quelles que soient leurs positions dans le conflit.
Contexte
Le 1er janvier 2015, le gouvernement de l’État de Palestine a déposé une déclaration en vertu de l’article 12(3) du Statut de Rome acceptant la compétence de la CPI à l’égard des crimes présumés commis « dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, depuis le 13 juin 2014 ». Le 22 mai 2018, l’État de Palestine a déféré au procureur la situation en Palestine depuis le 13 juin 2014, sans date de fin. Le Bureau du procureur a ouvert son enquête sur la situation en Palestine en 2019, mais la décision des juges de la CPI déterminant que le champ territorial de l’enquête comprend Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, n’a été rendue qu’en 2021. Le 17 novembre 2023, le Bureau du Procureur a reçu d’autres renvois de la situation de la part de l’Afrique du Sud, du Bangladesh, de la Bolivie, des Comores et de Djibouti. Le procureur a alors confirmé qu’une enquête était en cours sur la situation en Palestine, qui s’étend aux hostilités et à la violence depuis les attaques qui ont eu lieu le 7 octobre 2023. Le Chili et le Mexique ont également présenté un renvoi le 18 janvier 2024.